Le climat est-il si sensible au CO2 ?
Comment caractériser la réponse du climat à une augmentation de la concentration de CO2 ? Les climatologues ont adopté deux définitions simples permettant de caractériser l’ampleur du problème climatique à venir.
Sensibilité climatique d’équilibre
La première définition, de loin la plus simple, consiste à donner l’élévation de température pour un doublement du CO2 lorsque le système atmosphère-océan sera équilibré. On parle alors de la sensibilité climatique d’équilibre ou Equilibrium Climate Sensitivity (ECS) en anglais. Il s’agit d’une réponse à long-terme de la Terre (à un horizon de plusieurs siècles), étant donné que le chauffage de l’océan profond est relativement long.
Il existe plusieurs méthodes pour déterminer cette sensibilité climatique. Tout d’abord on peut utiliser des modèles climatiques. On regarde alors l’évolution future du climat pour un doublement du CO2 dans les prédictions. Il s’agit ici d’une propriété émergente des modèles. Mais on peut également utiliser ces modèles et leur compréhension des variations de température passées. En effet pour le passé, nous disposons d’une connaissances des facteurs ayant modifié le forçage radiatif, c’est-à-dire le réchauffement additionnel. On peut donc identifier la réponse passée du système Terre aux éruptions volcaniques ou aux cycles du soleil, et cette méthode est alors qualifiée d’instrumentale.
Dans la même veine, on peut également regarder non pas le passé récent mais le paléoclimat en comparant les variations de température, avec les variations de forçage radiatif, ces deux quantités étant bien sûr estimées indirectement.
Les résultats obtenus avec ces différentes méthodes sont réunis dans la figure ci-dessous. Le GIEC synthétise toutes ces évaluations en rapportant que la sensibilité climatique d’équilibre est comprise entre 1.5C et 4.5C.
On peut voir également sur la figure 2 que ces estimations ont peu changé au cours du temps. On retiendra donc comme ordre de grandeur que sur le long terme, la température augmentera de 3 degrés si la concentration en CO2 double, ce qui arrivera si on rajoute environ encore 2400 GtCO2 c’est-à-dire dans 55 ans au rythme actuel de 43 GtCO2 par an. On pourra même se diriger vers les 4 degrés si nous allons au-delà et franchir probablement un point de non retour.
On peut même pousser encore plus loin l’exercice de projection dans le futur et rajouter les changement induits sur la végétation et la couche de glace, qui contribuent à modifier l’albedo et donc le climat. Il s’agit alors d’estimer la sensibilité du système Terre (Earth System Sensitivity ou ESS en anglais) sur l’échelle du millénaire ou plus. Mais les incertitudes sont alors trop nombreuses car la réponse de ces deux facteurs (végétation et glace) n’est pas simplement proportionnelle au changement climatique.
Réponse transitoire du climat
La grande limitation de la sensibilité climatique d’équilibre, c’est qu’elle nous parle d’un futur trop lointain et cela peut être perçu comme un simple exercice académique, à savoir montrer que les différentes méthodes sont compatibles entre elles. Nous avons besoin d’une estimation de la sensibilité pour le futur proche, et il s’agit alors de la réponse transitoire du climat (Transient Climate Response ou TCR en anglais).
Sa définition est également basée sur un doublement du CO2, mais elle spécifie à quel rythme ce doublement doit être réalisé, et à quelle moment l’élévation de température induite sera observée. Il a été choisi un scenario d’augmentation de la concentration en CO2 de 1% par an, ce qui correspond à un doublement en 70 ans. Par ailleurs l’élévation de températures est estimée à l’issue de cette période de 70 ans, et donc ne prend pas en compte le réchauffement ultérieur. Il s’agit donc d’une définition parlante pour les décideurs, concrète, avec une échelle de temps de l’ordre de grandeur de l’espérance de vie.
La valeur de la réponse transitoire du climat est comprise entre 1C et 2.5C selon le GIEC, et les contraintes provenant des diverses analyses prises en compte sont réunies sur la figure ci-dessous.
Naturellement la réponse transitoire du climat est plus basse que la sensibilité climatique d’équilibre puisque l’océan profond n’a pas le temps de se réchauffer.
Si ces définitions de sensibilité climatique sont utiles pour les climatologues, la définition la plus concrète pour guider nos politiques de transition reste la sensibilité de la température à la fin du siècle pour une quantité cumulée d’émissions de CO2. C’est cette quantité qui nous permet de déterminer quelle quantité de CO2 nous pouvons encore émettre, étant données les émissions passées et un objectif de réchauffement maximal.
Et oui, le climat est très sensible aux émissions de CO2 ainsi qu’aux autres gaz à effet de serre, car cette réponse est en degrés et non en dixièmes de degrés…
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Image par Martin Eklund (Pixabay)